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Scène II.

(Un chemin.)
Entre Maître Bridaine.

Que font-ils maintenant ? Hélas ! voilà midi. — Ils sont à table. Que mangent-ils ? que ne mangent-ils pas ? J’ai vu la cuisinière traverser le village avec un énorme dindon. L’aide portait les truffes, avec un panier de raisin.

(Entre Maître Blazius.)
Maître Blazius

Ô disgrâce imprévue ! me voilà chassé du château, par conséquent de la salle à manger. Je ne boirai plus le vin de l’office.

Maître Bridaine

Je ne verrai plus fumer les plats ; je ne chaufferai plus au feu de la noble cheminée mon ventre copieux.

Maître Blazius

Pourquoi une fatale curiosité m’a-t-elle poussé à écouter le dialogue de dame Pluche et de sa nièce ? Pourquoi ai-je rapporté au baron tout ce que j’ai vu ?

Maître Bridaine

Pourquoi un vain orgueil m’a-t-il éloigné de ce dîner honorable, où j’étais si bien accueilli ? Que m’importait d’être à droite ou à gauche ?

Maître Blazius

Hélas ! j’étais gris, il faut en convenir, lorsque j’ai fait cette folie.

Maître Bridaine

Hélas ! le vin m’avait monté à la tête quand j’ai commis cette imprudence.

Maître Blazius

Il me semble que voilà le curé.

Maître Bridaine

C’est le gouverneur en personne.

Maître Blazius

Oh ! oh ! monsieur le curé, que faites-vous là ?

Maître Bridaine

Moi ! je vais dîner. N’y venez-vous pas ?

Maître Blazius

Pas aujourd’hui. Hélas ! maître Bridaine, intercédez pour moi ; le baron m’a chassé. J’ai accusé faussement Mlle Camille d’avoir une correspondance secrète, et cependant Dieu m’est témoin que j’ai vu ou que j’ai cru voir dame Pluche dans la luzerne. Je suis perdu, monsieur le curé.