depuis longtemps, — j’avais même écrit, noté, — sur mes tablettes de poche, — que ce jour devait être le plus agréable de mes jours, — oui bonne dame, le plus agréable. — Vous n’ignorez pas que mon dessein était de marier mon fils avec ma nièce ; cela était résolu, — convenu, — j’en avais parlé à Bridaine, — et je vois, je crois voir, que ces enfants se parlent froidement ; ils ne se sont pas dit un mot.
Les voilà qui viennent, monseigneur. Sont-ils prévenus de vos projets ?
Je leur en ai touché quelques mots en particulier. Je crois qu’il serait bon, puisque les voilà réunis, de nous asseoir sous cet ombrage propice, et de les laisser ensemble un instant.
Sais-tu que cela n’a rien de beau, Camille, de m’avoir refusé un baiser ?
Je suis comme cela ; c’est ma manière.
Veux-tu mon bras pour faire un tour dans le village ?
Non, je suis lasse.
Cela ne te ferait pas plaisir de revoir la prairie ? Te souviens-tu de nos parties sur le bateau ? Viens, nous descendrons jusqu’aux moulins ; je tiendrai les rames, et toi le gouvernail.
Je n’en ai nulle envie.
Tu me fends l’âme. Quoi ! pas un souvenir, Camille ? pas un battement de cœur pour notre enfance, pour tout ce pauvre temps passé, si bon, si doux, si plein de niaiseries délicieuses ? Tu ne veux pas venir voir le sentier par où nous allions à la ferme ?
Non, pas ce soir.
Pas ce soir ! et quand donc ? Toute notre vie est là.
Je ne suis pas assez jeune pour m’amuser de mes poupées, ni assez vieille pour aimer le passé.