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ma vie entière qui me paraissait un songe ridicule et puéril, dont la fausseté venait de se dévoiler. Desgenais était assis devant moi, près de la lampe ; il était ferme et sérieux, avec un sourire perpétuel. C’était un homme plein de cœur, mais sec comme la pierre ponce. Une précoce expérience l’avait rendu chauve avant l’âge ; il connaissait la vie et avait pleuré dans son temps, mais sa douleur portait cuirasse ; il était matérialiste et attendait la mort.

« Octave, me dit-il, d’après ce qui se passe en vous, je vois que vous croyez à l’amour tel que les romanciers et les poètes le représentent ; vous croyez, en un mot, à ce qui se dit ici-bas et non à ce qui s’y fait. Cela vient de ce que vous ne raisonnez pas sainement, et peut vous mener à de très grands malheurs.

« Les poètes représentent l’amour comme les sculpteurs nous peignent la beauté, comme