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les affaires au lever, les visites à telle heure, le travail à telle autre, l’amour à telle autre, peut perdre sans danger sa maîtresse. Ses occupations et ses pensées sont comme ces soldats impassibles, rangés à la bataille sur une même ligne ; un coup de feu en emporte un, les voisins se resserrent, et il n’y paraît pas.

Je n’avais pas cette ressource ; la nature, ma mère chérie, depuis que j’étais seul, me semblait au contraire plus vaste et plus vide que jamais. Si j’avais pu oublier entièrement ma maîtresse, j’aurais été sauvé. Que de gens à qui il n’en faut pas tant pour les guérir ! Ceux-là sont incapables d’aimer une femme infidèle, et leur conduite, en pareil cas, est admirable de fermeté. Mais est-ce ainsi qu’on aime à dix-neuf ans, alors que, ne connaissant rien du monde, désirant tout, le jeune homme sent à la fois le germe de toutes les passions ? De quoi doute cet âge ? À droite, à