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croyant à une apparition sortie de mon cerveau malade. Je me lançai hors du lit et m’enfuis à l’autre bout de la chambre ; mais elle vint à moi. – C’est moi, dit-elle ; et, me prenant à bras-le-corps, elle m’entraîna. – Que me veux-tu ? criai-je ; lâche-moi ! je suis capable de te tuer tout à l’heure.

– Eh bien ! tue-moi, dit-elle. Je t’ai trahi, je t’ai menti, je suis infâme et misérable ; mais je t’aime, et ne puis me passer de toi.

Je la regardai ; qu’elle était belle ! Tout son corps frémissait ; ses yeux, perdus d’amour, répandaient des torrents de volupté ; sa gorge était nue, ses lèvres brûlaient. Je la soulevai dans mes bras. – Soit, lui dis-je ; mais, devant Dieu qui nous voit, par l’âme de mon père, je te jure que je te tue tout à l’heure et moi aussi. – Je pris un couteau de table qui était sur ma cheminée et le posai sous l’oreiller.