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À cette parole grossière et stupide, je regardai madame Pierson ; ses yeux battus, sa pâleur, l’attitude de son corps, montraient clairement sa fatigue, et que les veilles l’épuisaient. « Ah ! mon pauvre homme, dit la malade, que Dieu te le rende ! »

Je ne pouvais plus y tenir ; je me levai comme transporté de la sottise de ces brutes qui rendaient grâces de la charité d’un ange à l’avarice de leur curé ; j’étais prêt à leur reprocher leur plate ingratitude et à les traiter comme ils le méritaient. Madame Pierson souleva dans ses bras un des enfants de la fermière, et lui dit avec un sourire : « Embrasse ta mère : elle est sauvée. » Je m’arrêtai en entendant ce mot ; jamais le naïf contentement d’une âme heureuse et bienveillante ne s’est peint avec tant de franchise sur un si doux visage. Je ne retrouvai plus tout d’un coup ni sa fatigue ni sa pâleur ; elle rayonnait de toute la pureté de sa joie ; et elle aussi