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pesait sur les champs déserts que de violents coups de tonnerre éclairaient par instants. Le bruit de l’orage, le vent qui mugissait, la colère des éléments déchaînée sur le toit de chaume, donnaient, par leur contraste avec le silence religieux de la cabane, plus de sainteté encore et comme une grandeur étrange à la scène dont j’étais témoin. Je regardais ce grabat, ces vitres inondées, les bouffées de la fumée épaisse renvoyées par la tempête, l’abattement stupide du fermier, la terreur superstitieuse des enfants, toute cette furie au-dehors assiégeant une moribonde ; et lorsque au milieu de tout cela je voyais cette femme douce et pâle, allant et venant sur la pointe du pied, ne quittant pas d’une minute son bienfait patient, ne paraissant s’apercevoir de rien, ni de la tempête, ni de notre présence, ni de son courage, sinon qu’on avait besoin d’elle, il me semblait qu’il y avait, dans cette œuvre tranquille, je ne sais quoi de plus serein que le plus beau ciel sans nuages, et que c’était une créature surhumaine que celle qui, à travers tant d’horreur, ne doutait pas un instant de son Dieu.

« Qu’est-ce donc que cette femme ? me demandais-je. D’où vient-elle ? depuis quand ici ? Depuis longtemps, puisqu’on s’y souvient de l’avoir vue rosière. Comment n’ai-