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nous allons donc souffrir tranquilles. » Je lui tendis la main, qu’il couvrit de baisers en sanglotant.

Il soignait, pour ainsi dire, ma douleur, comme la maîtresse de la sienne. Quand j’allais le matin au tombeau de mon père, je l’y trouvais arrosant les fleurs ; dès qu’il me voyait, il s’éloignait et rentrait au logis. Il me suivait dans mes promenades ; comme j’étais à cheval, et lui à pied, je ne voulais jamais de lui ; mais quoi que je fisse pour cela, dès que j’avais fait cent pas dans la vallée, je l’apercevais derrière moi, son bâton à la main et s’essuyant le front. Je lui achetai un petit cheval qui appartenait à un paysan des environs, et nous nous mîmes ainsi à parcourir les bois.

Il y avait dans le village quelques personnes de connaissance qui venaient souvent à la maison. Ma porte leur était fermée, quoique j’en eusse du regret ; mais je ne pouvais