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larmes de ses yeux sont sœurs de la rosée ; les feuilles des saules sont elles-mêmes des larmes. C’est en regardant le ciel, les bois et les prairies que je compris ce que c’est que les hommes qui s’imaginent de se consoler.

Larive n’avait pas plus d’envie de me consoler que de se consoler lui-même. Au moment de la mort de mon père, il avait eu peur que je ne vendisse la maison et que je ne l’emmenasse à Paris. Je ne sais s’il était au fait de ma vie passée, mais il m’avait témoigné d’abord de l’inquiétude, et quand il me vit m’installer, son premier regard m’alla jusqu’au cœur. C’était un jour que j’avais fait apporter de Paris un grand portrait de mon père ; je l’avais fait mettre dans la salle à manger. Lorsque Larive entra pour servir, il le vit ; il demeura irrésolu, regardant tantôt le portrait, tantôt moi ; il y avait dans ses yeux une si triste joie que je ne pus y résister. Il semblait me dire : « Quel bonheur !