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passagères blasphèment et accusent le ciel ; les grandes douleurs n’accusent ni ne blasphèment ; elles écoutent.

Le matin je passais des heures entières en contemplation devant la nature. Mes croisées donnaient sur une vallée profonde et au milieu s’élevait le clocher du village ; tout était pauvre et tranquille. L’aspect du printemps, des fleurs et des feuilles naissantes ne produisait pas sur moi cet effet sinistre dont parlent les poètes, qui trouvent dans les contrastes de la vie une raillerie de la mort. Je crois que cette idée frivole, si elle n’est pas une simple antithèse faite à plaisir, n’appartient encore en réalité qu’aux cœurs qui sentent à demi. Le joueur qui sort au point du jour, les yeux ardents et les mains vides, peut se sentir en guerre avec la nature, comme le flambeau d’une veillée hideuse ; mais que peuvent dire les feuilles qui poussent à l’enfant qui pleure son père ? Les