Page:Musset - La Confession d’un enfant du siècle, vol. I, 1836.djvu/279

Cette page n’a pas encore été corrigée

que de la langueur dans toutes mes actions, comme une fatigue et une indifférence de tout, mais avec une amertume poignante qui me rongeait intérieurement. Je tenais toute la journée un livre à la main ; mais je ne lisais guère, ou, pour mieux dire, pas du tout, et je ne sais à quoi je rêvais. Je n’avais point de pensées ; tout en moi était silence ; j’avais reçu un coup si violent, et en même temps si prolongé, que j’en étais resté comme un être purement passif, et rien en moi ne réagissait.

Mon domestique, qui s’appelait Larive, avait été très attaché à mon père ; c’était peut-être, après mon père lui-même, le meilleur homme que j’aie jamais connu. Il était de la même taille et portait ses habits, que mon père lui donnait, n’ayant point de livrée. Il avait à peu près le même âge, c’est-à-dire que ses cheveux grisonnaient, et depuis vingt ans qu’il n’avait pas quitté mon