Page:Musset - La Confession d’un enfant du siècle, vol. I, 1836.djvu/261

Cette page n’a pas encore été corrigée

je voulais peindre la mélancolie, je ne peindrais pas une jeune fille rêveuse, un livre entre les mains.

— À qui en avez-vous ce soir ? dit-il en riant.

— Non, en vérité, continuai-je ; cette Madeleine dans les larmes a le sein gonflé d’espérance ; cette main pâle et maladive, sur laquelle elle soutient sa tête, est encore embaumée des parfums qu’elle a versés sur les pieds du Christ. Ne voyez-vous pas que dans ce désert il y a un peuple de pensées qui prient à genoux ? Ce n’est pas là la mélancolie.

— C’est une femme qui lit, répondit-il d’une voix sèche.

— Et une heureuse femme, lui dis-je, et un heureux livre. »

Desgenais comprit ce que je voulais dire ; il vit qu’une profonde tristesse s’emparait de moi. Il me demanda si j’avais quelque cause de chagrin. J’hésitais à lui répondre, et je sentais mon cœur se briser.