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du vin de Champagne ; je trouvai une bouche béante, un œil fixe, et des mains crochues.

La première fois que j’ai vu des courtisanes titrées, j’avais lu Boccace et Bandello ; avant tout j’avais lu Shakespeare. J’avais rêvé à ces belles fringantes, à ces chérubins de l’enfer, à ces viveuses pleines de désinvolture, à qui les cavaliers du Décaméron présentent l’eau bénite au sortir de la messe. J’avais crayonné mille fois de ces têtes si poétiquement folles, si inventrices dans leur audace, de ces maîtresses têtes fêlées qui vous décochent tout un roman dans une œillade, et qui ne marchent dans la vie que par flots et par secousses, comme des sirènes ondoyantes. Je me souvenais de ces fées des Nouvelles Nouvelles, qui sont toujours grises d’amour, si elles n’en sont pas ivres. Je trouvai des écriveuses de lettres, des arrangeuses d’heures précises, qui ne