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tiens à un fil. » Ces voitures de masques qu’on voit au temps du carnaval sont la fidèle image de leur vie. Un carrosse délabré ouvert à tout vent, des torches flamboyantes éclairant des têtes plâtrées ; ceux-ci rient, ceux-là chantent, au milieu s’agitent comme des femmes ; ce sont en effet des restes de femmes, avec des semblants presque humains. On les caresse, on les insulte ; on ne sait ni leur nom, ni qui elles sont. Tout cela flotte et se balance sous la résine brûlante, dans une ivresse qui ne pense à rien, et sur laquelle, dit-on, veille un dieu. On a l’air par moments de se pencher et de s’embrasser ; il y en a un de tombé dans un cahot ; qu’importe ? on vient de là, on va là, et les chevaux galopent.

Mais si le premier mouvement est l’étonnement, le second est l’horreur, et le troisième la pitié. Il y a là en effet tant de force, ou plutôt un si étrange abus de la force, qu’il arrive souvent que les caractères les plus