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d’arithmétique, si jamais cela vous arrive, à l’heure de votre ruine ressouvenez-vous d’Abeilard quand il eut perdu Héloïse. Car il l’aimait plus que vous vos chevaux, vos écus d’or et vos maîtresses ; car il avait perdu, en se séparant d’elle, plus que vous ne perdrez jamais, plus que votre prince Satan ne perdrait lui-même en retombant une seconde fois des cieux ; car il l’aimait d’un certain amour dont les gazettes ne parlent pas, et dont vos femmes et vos filles n’aperçoivent pas l’ombre sur nos théâtres et dans nos livres ; car il avait passé la moitié de sa vie à la baiser sur son front candide en lui apprenant à chanter les psaumes de David et les cantiques de Saül ; car il n’avait qu’elle sur terre ; et cependant Dieu l’a consolé.

Croyez-moi, lorsque, dans vos détresses, vous penserez à Abeilard, vous ne verrez pas du même œil les doux blasphèmes du vieux Voltaire et les badinages de Courier ; vous