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une nuit de sommeil ; il l’a prise peut-être sur le souper de ses enfants. Maintenant sa maîtresse peut le trahir, son ami peut se glisser comme un voleur dans son taudis ; moi-même, je peux lui frapper sur l’épaule et lui crier qu’on l’assassine, que sa maison est en feu ; il se retournera sur l’autre flanc et se rendormira.

« Et moi, et moi, continuai-je en traversant à grands pas la rue, je ne dors pas, moi qui ai dans ma poche ce soir de quoi le faire dormir un an ; je suis si fier et si insensé que je n’ose entrer dans un cabaret, et je ne m’aperçois pas que, si tous les malheureux y entrent, c’est parce qu’il en sort des heureux. Ô Dieu ! une grappe de raisin écrasée sous la plante des pieds suffit pour disperser les soucis les plus noirs, et pour briser tous les fils invisibles que les génies du mal tendent sur notre chemin. Nous pleurons comme des femmes, nous souffrons comme des martyrs ;