disait à un homme trois fois plus riche que moi, avec lequel elle vivait : « Vous m’ennuyez, je vais trouver mon amant. » Cette fille-là valait mieux que bien d’autres qu’on ne paie pas.
Je passai la saison entière chez Desgenais, où j’appris que ma maîtresse était partie, et qu’elle était sortie de France ; cette nouvelle me laissa dans le cœur une langueur qui ne me quitta plus.
À l’aspect de ce monde si nouveau pour moi qui m’entourait à cette campagne, je me sentis pris d’abord d’une curiosité bizarre, triste et profonde, qui me faisait regarder de travers comme un cheval ombrageux. Voici la première chose qui y donna lieu.
Desgenais avait alors une très belle maîtresse, qui l’aimait beaucoup ; un soir que je me promenais avec lui, je lui dis que je la trouvais telle qu’elle était, c’est-à-dire admirable, tant par sa beauté que par son attachement pour lui. Bref, je fis son éloge avec chaleur, et lui donnai à entendre qu’il devait s’en trouver heureux.
Il ne me répondit rien. C’était sa manière, et je le connaissais pour le plus sec des hommes. La nuit venue et chacun retiré, il y avait un quart d’heure que j’étais couché lorsque j’entendis frapper à ma porte. Je criai qu’on entrât, croyant à quelque visiteur pris d’insomnie.
Je vis entrer une femme plus pâle que la mort, à demi nue, et un bouquet à la main. Elle vint à moi et me présenta son bouquet ; un morceau de papier y était attaché, sur lequel je trouvai ce peu de mots : « À Octave, son ami Desgenais, à charge de revanche. »
Je n’eus pas plutôt lu qu’un éclair me frappa l’esprit. Je compris tout ce qu’il y avait dans cette action de Desgenais m’envoyant ainsi sa maîtresse, et m’en faisant