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Ainsi, au moment où je n’aspirais qu’à me laver de la faute que j’avais commise, peut-être même à m’en punir, à l’instant même où une horreur profonde s’emparait de moi, j’appris que j’avais à soutenir une dangereuse épreuve, à laquelle je succombai.

Desgenais était radieux ; il commença, en s’étendant sur le sofa, par quelques railleries sur mon visage, qui, disait-il, n’avait pas bien dormi. Comme j’étais peu disposé à soutenir ses plaisanteries, je le priai sèchement de me les épargner.

Il n’eut pas l’air d’y prendre garde ; mais, sur le même ton, il aborda le sujet qui l’amenait. Il venait m’apprendre que ma maîtresse avait eu non seulement deux amants à la fois, mais trois, c’est-à-dire qu’elle avait traité mon rival aussi mal que moi ; ce que le pauvre garçon ayant appris, il en avait fait un bruit effroyable, et tout Paris le savait. Je compris d’abord assez mal ce qu’il me disait, n’écoutant pas attentivement ; mais lorsque après le lui avoir fait répéter jusqu’à trois fois dans le plus grand détail, je me fus mis exactement au fait de cette horrible histoire, je demeurai décontenancé et si stupéfait que je ne pouvais répondre. Mon premier mouvement fut d’en rire, car je voyais clairement que je n’avais aimé que la dernière des femmes ; mais il n’en était pas moins vrai que je l’avais aimée, et, pour mieux dire, que je l’aimais encore. « Est-ce possible ? » Voilà tout ce que je pus trouver.

Les amis de Desgenais confirmèrent alors tout ce qu’il avait dit. C’était dans sa propre maison, que ma maîtresse, surprise entre ses deux amants, avait essuyé de leur part une scène que tout le monde savait par cœur. Elle était déshonorée, obligée de quitter Paris, si