CHAPITRE PREMIER
Je sentis en m’éveillant le lendemain un si profond dégoût de moi-même, je me trouvai si avili, si dégradé à mes propres yeux, qu’une tentation horrible s’empara de moi au premier mouvement. Je m’élançai hors du lit, j’ordonnai à la créature de s’habiller et de partir le plus vite possible ; puis je m’assis, et comme je promenais des regards désolés sur les murs de la chambre, je les arrêtai machinalement vers l’angle où étaient suspendus mes pistolets.
Lors même que la pensée souffrante s’avance pour ainsi dire les bras tendus vers l’anéantissement, lorsque notre âme prend un parti violent, il semble que, dans l’action physique de décrocher une arme, de l’apprêter, dans le froid même du fer, il semble qu’il y ait une horreur matérielle, indépendante de la volonté ; les doigts se préparent avec angoisse, le bras se raidit. Quiconque marche à la mort, la nature entière recule en lui. Ainsi je ne puis exprimer ce que j’éprouvai tandis que cette fille s’habillait, si ce n’est que ce fut comme si mon pistolet m’eût dit : « Pense à ce que tu vas faire. »
J’ai, en effet, pensé souvent depuis à ce qui me serait