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Entendez-vous vibrer l’horloge de la vie à chaque battement de votre cœur ? Y a-t-il donc une si grande différence pour vous entre un amour d’un an et un amour d’une heure, insensé, qui, par cette fenêtre grande comme la main, pouvez voir l’infini ?

« Vous appelez honnête la femme qui vous aime deux ans fidèlement ; vous avez apparemment un almanach fait exprès pour savoir combien de temps les baisers des hommes mettent à sécher sur les lèvres des femmes. Vous faites une grande différence entre la femme qui se donne pour de l’argent et celle qui se donne pour du plaisir, entre celle qui se donne pour de l’orgueil et celle qui se donne pour du dévouement. Parmi les femmes que vous achetez, vous payez les unes plus cher que les autres ; parmi celles que vous recherchez pour le plaisir des sens, vous vous abandonnez aux unes avec plus de confiance qu’aux autres ; parmi celles que vous avez par vanité, vous vous montrez plus glorieux de celle-ci que de celle-là ; et de celles à qui vous vous dévouez, il y en a à qui vous donnez le tiers de votre cœur, à une autre le quart, à une autre la moitié, selon son éducation, ses mœurs, son nom, sa naissance, sa beauté, son tempérament, selon l’occasion, selon ce qu’on en dit, selon l’heure qu’il est, selon ce que vous avez bu à dîner.

« Vous avez des femmes, Octave, par la raison que vous êtes jeune, ardent, que votre visage est ovale et régulier, que vos cheveux sont peignés avec soin ; mais par cette raison même, mon ami, vous ne savez pas ce que c’est qu’une femme.

« La nature, avant tout, veut la reproduction des êtres ; partout, depuis le sommet des montagnes jusqu’au fond de l’Océan, la vie a peur de mourir. Dieu, pour