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plus blancs que le lait, en faisaient ressortir le duvet rude et abondant. Il y avait dans cette crinière retroussée je ne sais quoi d’impudemment beau qui semblait me railler du désordre où je l’avais vue un instant auparavant. J’avançai tout d’un coup et frappai cette nuque d’un revers de mon poing fermé. Ma maîtresse ne poussa pas un cri ; elle tomba sur ses mains. Après quoi je sortis précipitamment.

Rentré chez moi, la fièvre me reprit avec une telle violence que je fus obligé de me remettre au lit. Ma blessure s’était rouverte et j’en souffrais beaucoup. Desgenais vint me voir ; je lui racontai tout ce qui s’était passé. Il m’écouta dans un grand silence, puis se promena quelque temps par la chambre comme un homme irrésolu. Enfin il s’arrêta devant moi, et partit d’un éclat de rire. « Est-ce que c’est votre première maîtresse ? me dit-il. – Non ! lui dis-je, c’est la dernière. »

Vers le milieu de la nuit, comme je dormais d’un sommeil agité, il me sembla dans un rêve entendre un profond soupir. J’ouvris les yeux et vis ma maîtresse debout près de mon lit, les bras croisés, pareille à un spectre. Je ne pus retenir un cri d’épouvante, croyant à une apparition sortie de mon cerveau malade. Je me lançai hors du lit et m’enfuis à l’autre bout de la chambre ; mais elle vint à moi. – C’est moi, dit-elle ; et, me prenant à bras-le-corps, elle m’entraîna. – Que me veux-tu ? criai-je ; lâche-moi ! je suis capable de te tuer tout à l’heure.

– Eh bien ! tue-moi, dit-elle. Je t’ai trahi, je t’ai menti, je suis infâme et misérable ; mais je t’aime, et ne puis me passer de toi.

Je la regardai ; qu’elle était belle ! Tout son corps frémissait ;