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Je suis né dans un siècle impie, et j’ai beaucoup à expier. Pauvre fils de Dieu qu’on oublie, on ne m’a pas appris à t’aimer. Je ne t’ai jamais cherché dans les temples ; mais grâce au ciel, là où je te trouve, je n’ai pas encore appris à ne pas trembler. Une fois avant de mourir, je t’aurai du moins baisé de mes lèvres sur un cœur qui est plein de toi. Protège-la tant qu’il respirera ; restes-y, sainte sauvegarde ; souviens-toi qu’un infortuné n’a pas osé mourir de sa douleur en te voyant cloué sur ta croix ; impie, tu l’as sauvé du mal ; s’il avait cru, tu l’aurais consolé. Pardonne à ceux qui l’ont fait incrédule, puisque tu l’as fait repentant ; pardonne à tous ceux qui blasphèment ! ils ne t’ont jamais vu, sans doute, lorsqu’ils étaient au désespoir. Les joies humaines sont railleuses, elles dédaignent sans pitié ; ô Christ ! les heureux de ce monde pensent n’avoir jamais besoin de toi ; pardonne : quand leur orgueil t’outrage, leurs larmes les baptisent tôt ou tard ; plains-les de se croire à l’abri des tempêtes, et d’avoir besoin, pour venir à toi, des leçons sévères du malheur. Notre sagesse et notre scepticisme sont dans nos mains de grands hochets d’enfants ; pardonne-nous de rêver que nous sommes impies, toi qui souriais au Golgotha. De toutes nos misères d’une heure, la pire est pour nos vanités qu’elles essaient de t’oublier. Mais, tu le vois, ce ne sont que des ombres, qu’un regard de toi fait tomber. Toi-même, n’as-tu pas été homme ? C’est la douleur qui t’a fait Dieu ; c’est un instrument de supplice qui t’a servi à monter au ciel, et qui t’a porté les bras ouverts au sein de ton père glorieux ; et nous, c’est aussi la douleur qui nous conduit à toi comme elle t’a amené à ton père ; nous ne venons que couronnés d’épines nous incliner devant ton image ; nous ne touchons à tes pieds sanglants qu’avec des mains ensanglantées,