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sur la calèche ; du moment qu’il est décidé que nous ne restons pas ici, le plus tôt fait n’est-il pas le meilleur ? Je suis d’avis qu’il faut tout faire ainsi et ne rien remettre au lendemain. Vous êtes ce soir d’humeur voyageuse, et je me hâte d’en profiter. Pourquoi attendre et différer sans cesse ? Je ne saurais supporter cette vie. Vous voulez partir, n’est-il pas vrai ? Eh bien ! partons, il ne tient plus qu’à vous. »

Il y eut un moment de profond silence. Brigitte alla à la fenêtre et vit qu’en effet on avait attelé. D’ailleurs, au ton dont je parlais, il ne pouvait lui rester aucun doute, et quelque prompte que dût lui paraître cette résolution, c’était d’elle qu’elle venait. Elle ne pouvait se dédire de ses propres paroles ni prétexter de motif de retard. Sa détermination fut prise aussitôt ; elle fit d’abord quelques questions, comme pour s’assurer que tout fût en ordre ; voyant qu’on n’avait rien omis, elle chercha de côté et d’autre. Elle prit son châle et son chapeau, puis les posa, puis chercha encore. « Je suis prête, dit-elle, me voilà ; nous partons donc ? nous allons partir ? Elle prit une lumière, visita ma chambre, la sienne, ouvrit les coffres et les armoires. Elle demandait la clef de son secrétaire qu’elle avait perdue, disait-elle. Où pouvait être cette clef ? elle l’avait tenue, il y avait une heure. « Allons ! allons ! je suis prête, répétait-elle avec une agitation extrême, partons, Octave, descendons. » En disant cela elle cherchait toujours, et vint enfin se rasseoir près de nous.

J’étais resté sur le canapé et regardais Smith debout devant moi. Il n’avait pas changé de contenance et ne semblait ni troublé ni surpris ; mais deux gouttes de sueur lui coulaient sur les tempes, et j’entendis craquer dans ses doigts un jeton d’ivoire qu’il tenait, et dont les