vallée verte plantée de pommiers où des bestiaux paissaient à l’ombre ; dans l’éloignement un village consistant en une douzaine de maisons de bois semées en désordre dans la prairie, et étagées sur les collines environnantes. Sur le premier plan, une jeune fille, coiffée d’un large chapeau de paille, était assise au pied d’un arbre, et un garçon de ferme debout devant elle semblait lui montrer, un bâton ferré à la main, la route qu’il avait parcourue ; il indiquait un sentier tortueux qui se perdait dans la montagne. Au-dessus d’eux paraissaient les Alpes, et le tableau était couronné par trois sommets couverts de neige, teints des nuances du soleil couchant. Rien n’était plus simple, et en même temps rien n’était plus beau que ce paysage. La vallée ressemblait à un lac de verdure, et l’œil en suivait les contours avec la plus parfaite tranquillité.
« Irons-nous là ? » dis-je à Brigitte. Je pris un crayon et traçai quelques traits sur l’estampe.
« Que faites-vous ? demanda-t-elle.
— Je cherche, lui dis-je, si, avec un peu d’adresse, il faudrait changer beaucoup cette figure pour qu’elle vous ressemblât. La jolie coiffure de cette jeune fille vous irait, je crois, à merveille ; et ne pourrais-je pas, si je réussissais, donner à ce brave montagnard quelque ressemblance avec moi ? »
Ce caprice parut lui plaire, et, s’emparant aussitôt d’un grattoir, elle eût bientôt effacé sur la feuille le visage du garçon et celui de la fille. Me voilà faisant son portrait, et elle voulut essayer le mien. Les figures étaient très petites, en sorte que nous ne fûmes pas difficiles ; il fut convenu que les portraits étaient frappants, et il suffisait en effet qu’on y cherchât nos traits pour les y retrouver. Lorsque nous en eûmes ri, le livre resta ouvert,