tendit la main en me voyant et me dit la même parole : « Que me voulez-vous ? »
Qu’on en pense ce qu’on voudra ; il y a de tels hasards dans la vie que la raison de l’homme ne saurait s’expliquer. Je m’assis sans pouvoir répondre, et, comme si je me fusse éveillé d’un rêve, je me répétai à moi-même la question qu’il m’adressait. Que venais-je faire en effet chez lui ? Comment lui dire ce qui m’amenait ? En supposant qu’il pût m’être utile de l’interroger, comment savoir s’il voudrait parler ? Il avait apporté des lettres et connaissait ceux qui les avaient écrites ; mais n’en savais-je pas aussi long que lui après ce que Brigitte venait de me montrer ? Il m’en coûtait de lui faire des questions, et je craignais qu’il ne soupçonnât ce qui se passait dans mon cœur. Les premiers mots que nous échangeâmes furent polis et insignifiants. Je le remerciai de s’être chargé des commissions de la famille de madame Pierson ; je lui dis qu’en quittant la France nous le prierions à notre tour de nous rendre quelques services ; après quoi nous demeurâmes en silence, étonnés de nous trouver vis-à-vis l’un de l’autre.
Je regardais autour de moi, comme les gens embarrassés. La chambre qu’occupait ce jeune homme était au quatrième étage, tout y annonçait une pauvreté honnête et laborieuse. Quelques livres, des instruments de musique, des cadres de bois blanc, des papiers en ordre sur une table couverte d’un tapis, un vieux fauteuil et quelques chaises, c’était tout ; mais tout se ressentait d’un air de propreté et de soin qui en faisait un ensemble agréable. Quant à lui, sa physionomie ouverte et animée prévenait d’abord en sa faveur ; j’aperçus à la cheminée le portrait d’une femme âgée ; je