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résignée ? Je ferai, dit-elle, ce qui te plaira ! Non certes, il ne me plaira point de rien demander à la patience, et plutôt que de voir ce visage souffrant seulement encore une semaine, si elle se tait, je partirai seul. »

Insensé que j’étais, en avais-je la force ? J’avais été trop heureux depuis quinze jours pour oser vraiment regarder en arrière, et loin de me sentir ce courage, je ne songeais qu’aux moyens d’emmener Brigitte. Je passai la nuit sans fermer l’œil, et le lendemain, de grand matin, je résolus, à tout hasard, d’aller chez ce jeune homme que j’avais vu à l’Opéra. Je ne sais si c’était la colère ou la curiosité qui m’y poussait, ni ce qu’au fond je voulais de lui ; mais je pensais que de cette manière il ne pourrait du moins m’éviter, et c’était tout ce que je désirais.

Comme je ne savais pas son adresse, j’entrai chez Brigitte pour la demander, prétextant une politesse que je lui devais après toutes les visites qu’il nous avait faites ; car je n’avais pas dit un mot de ma rencontre au spectacle. Brigitte était au lit, et ses yeux fatigués montraient qu’elle avait pleuré. Lorsque j’entrai, elle me tendit la main, et me dit : « Que me voulez-vous ? » Sa voix était triste, mais tendre. Nous échangeâmes quelques paroles amicales, et je sortis le cœur moins désolé.

Le jeune homme que j’allais voir se nommait Smith ; il demeurait à peu de distance. En frappant à sa porte, je ne sais quelle inquiétude me saisit ; je m’avançai lentement et comme frappé tout à coup d’une lumière inattendue. À son premier geste, mon sang se glaça. Il était couché, et, avec le même accent que tout à l’heure Brigitte, avec un visage aussi pâle et aussi défait, il me