et qu’ils se croyaient obligés de lui déclarer par avance quels en seraient les résultats ; qu’elle vivait publiquement comme ma maîtresse, et que, bien qu’elle fût libre et veuve, elle avait encore à répondre du nom qu’elle portait ; que ni eux ni aucun de ses anciens amis ne la reverraient si elle persistait ; enfin par toutes sortes de menaces et de conseils ils l’engageaient à revenir au pays.
Le ton de cette lettre m’indigna, et je n’y vis d’abord qu’une injure. « Et ce jeune homme qui vous apporte ces remontrances, m’écriai-je, sans doute il s’est chargé de vous en faire de vive voix, et il n’y manque pas, n’est-il pas vrai ? »
La profonde tristesse de Brigitte me fit réfléchir et calma ma colère. « Vous ferez, me dit-elle, ce que vous voudrez, et vous achèverez de me perdre. Aussi bien mon sort est entre vos mains, et il y a longtemps que vous en êtes le maître. Tirez telle vengeance qu’il vous plaira du dernier effort que mes vieux amis font pour me rappeler à la raison, au monde que je respectais jadis, et à l’honneur que j’ai perdu. Je n’ai pas un mot à vous dire, et, si vous voulez même me dicter ma réponse, je la ferai telle que vous le souhaiterez.
— Je ne souhaite rien, répondis-je, que de connaître vos intentions ; c’est à moi au contraire de m’y conformer, et, je vous le jure, j’y suis prêt. Dites-moi si vous restez ou si vous partez, ou s’il faut que je parte seul.
— Pourquoi cette question ? demanda Brigitte ; vous ai-je dit que j’eusse changé d’avis ? Je souffre et ne puis partir ainsi ; mais, dès que je serai guérie ou seulement en état de me lever, nous irons à Genève comme il est convenu. »