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Tout à coup Brigitte languit ; elle baisse la tête, elle garde le silence. Quand je lui demande si elle souffre, elle me dit que non d’une voix éteinte ; quand je lui parle du jour du départ, elle se lève, froide et résignée, et continue ses préparatifs ; quand je lui jure qu’elle va être heureuse et que je veux lui consacrer ma vie, elle s’enferme pour pleurer ; quand je l’embrasse, elle devient pâle et détourne les yeux en me tendant les lèvres ; quand je lui dis que rien n’est encore fait, qu’elle peut renoncer à nos projets, elle fronce le sourcil d’un air dur et farouche ; quand je la supplie de m’ouvrir son cœur, quand je lui répète que, dussé-je en mourir, je sacrifierai mon bonheur s’il doit jamais lui coûter un regret, elle se jette à mon cou, puis s’arrête, et me repousse comme involontairement. Enfin j’entre un jour dans sa chambre, tenant à la main un billet où nos places sont marquées pour la voiture de Besançon. Je m’approche d’elle, je le pose sur ses genoux ; elle étend les bras, pousse un cri, et tombe sans connaissance à mes pieds.


CHAPITRE II

Tous mes efforts pour deviner la cause d’un changement aussi inattendu étaient restés sans résultat comme les questions que j’avais pu faire. Brigitte était malade et gardait opiniâtrement le silence. Après une journée entière passée, tantôt à la supplier de s’expliquer, tantôt à m’épuiser en conjectures, j’étais sorti sans savoir où j’allais. En passant près de l’Opéra, un commissionnaire m’offrit un billet, et machinalement j’y entrai, comme c’était mon habitude.