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bariolés, le vin et la folie ; toute ma jeunesse me fit bondir le cœur.

« Déguisons-nous, dis-je à Brigitte. Ce sera pour nous seuls ; qu’importe ? Si nous n’avons pas de costumes, nous avons de quoi nous en faire, et nous en passerons le temps plus agréablement. »

Nous prîmes dans une armoire des robes, des châles, des manteaux, des écharpes, des fleurs artificielles ; Brigitte, comme toujours, montrait une gaieté patiente. Nous nous travestîmes tous deux ; elle voulut me coiffer elle-même ; nous avions mis du rouge, et nous nous étions poudrés ; tout ce qu’il nous fallait pour cela s’était trouvé dans une vieille cassette, qui venait, je crois, de la tante. Enfin, au bout d’une heure, nous ne nous reconnaissions plus l’un l’autre. La soirée se passa à chanter, à imaginer mille folies ; vers une heure du matin, il fut temps de souper.

Nous avions fouillé dans toutes les armoires ; il y en avait une près de moi qui était restée entr’ouverte. En m’asseyant pour me mettre à table, j’y aperçus sur un rayon le livre dont j’ai déjà parlé, où Brigitte écrivait souvent.

« N’est-ce pas le recueil de vos pensées ? demandai-je en étendant le bras et en le prenant. Si ce n’est pas une indiscrétion, laissez-moi y jeter les yeux. »

J’ouvris le livre, quoique Brigitte fît un geste pour m’en empêcher ; à la première page, je tombai sur ces mots : Ceci est mon testament.

Tout était écrit d’une main tranquille ; j’y trouvai d’abord un récit fidèle, sans amertume et sans colère, de tout ce que Brigitte avait souffert par moi, depuis qu’elle était ma maîtresse. Elle annonçait une ferme détermination de tout supporter tant que je l’aimerais, et