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Octave, j’ai souri autrefois de cette précoce expérience que tu disais avoir acquise, et dont je t’entendais te vanter comme les enfants qui ne savent rien. Je croyais que je n’avais qu’à vouloir, et que tout ce qu’il y avait de bon dans ton cœur allait te venir sur les lèvres à mon premier baiser. Tu le croyais toi-même, et nous nous sommes trompés tous deux ! Ô enfant ! tu portes au cœur une plaie qui ne veut pas guérir ; cette femme qui t’a trompé, il faut que tu l’aies bien aimée ! oui, plus que moi, bien plus, hélas ! puisque avec tout mon pauvre amour je ne puis effacer son image ; il faut aussi qu’elle t’ait cruellement trompé, puisque c’est en vain que je te suis fidèle ! Et les autres, ces misérables, qu’ont-elles donc fait pour empoisonner ta jeunesse ? Les plaisirs qu’elles t’ont vendus étaient donc bien vifs et bien terribles, puisque tu me demandes de leur ressembler ! Tu te souviens d’elles près de moi ! Ah ! mon enfant, c’est là le plus cruel. J’aime mieux te voir, injuste et furieux, me reprocher des crimes imaginaires et te venger sur moi du mal que t’a fait ta première maîtresse, que de trouver sur ton visage cette affreuse gaîté, cet air de libertin railleur qui vient tout à coup se poser comme un masque de plâtre entre tes lèvres et les miennes. Dis-moi, Octave, pourquoi cela ? pourquoi ces jours où tu parles de l’amour avec mépris, et où tu railles si tristement jusqu’à nos épanchements les plus doux ? Quel empire avait donc pris sur tes nerfs irritables cette vie affreuse que tu as menée, pour que de pareilles injures flottent encore malgré toi sur tes lèvres ? Oui, malgré toi, car ton cœur est noble ; tu rougis toi-même de ce que tu fais ; tu m’aimes trop pour n’en pas souffrir, parce que tu vois que j’en souffre. Ah ! je te