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de reproches ; ayez le courage de me plaindre ; j’ai besoin d’oublier qu’il existe d’autres êtres que vous. Qui sait par quelles épreuves, par quels affreux moments de douleur il ne va pas falloir que je passe ! Je ne me doutais pas qu’il en pût être ainsi, je ne croyais pas avoir à combattre. Depuis que vous êtes à moi, je m’aperçois de ce que j’ai fait ; j’ai senti en vous embrassant combien mes lèvres s’étaient souillées. Au nom du ciel, aidez-moi à vivre ! Dieu m’a fait meilleur que cela. »

Brigitte me tendit les bras, me fit les plus tendres caresses. Elle me pria de lui conter tout ce qui avait donné lieu à cette triste scène. Je ne lui parlai que de ce que m’avait dit Larive, et n’osai lui avouer que j’avais interrogé Mercanson. Elle voulut absolument que j’écoutasse ses explications. M. de Dalens l’avait aimée ; mais c’était un homme léger, très dissipé et très inconstant ; elle lui avait fait comprendre que, ne voulant pas se remarier, elle ne pouvait que le prier de changer de langage, et il s’était résigné de bonne grâce ; mais ses visites, depuis ce temps, avaient toujours été plus rares, et aujourd’hui il ne venait plus. Elle tira de la liasse une lettre qu’elle me montra, et dont la date était récente ; je ne pus m’empêcher de rougir en y trouvant la confirmation de ce qu’elle venait de me dire ; elle m’assura qu’elle me pardonnait, et exigea de moi, pour tout châtiment, la promesse que dorénavant je lui ferais part à l’instant même de ce qui pourrait éveiller en moi quelque soupçon sur elle. Notre traité fut scellé d’un baiser, et lorsque je partis, au jour, nous avions oublié tous deux que M. de Dalens existât.