Ainsi parlait la jalousie ; ainsi, oubliant tant de larmes et tout ce que j’avais souffert, j’en venais, au bout de deux jours, à m’inquiéter de ce que Brigitte m’avait cédé. Ainsi, comme tous ceux qui doutent, je mettais déjà de côté les sentiments et les pensées pour disputer avec les faits, m’attacher à la lettre morte, et disséquer ce que j’aimais.
Tout en m’enfonçant dans mes réflexions, je gagnais à pas lents la maison de Brigitte. Je trouvai la grille ouverte, et, comme je traversais la cour, je vis de la lumière dans la cuisine. Je pensai à questionner la servante. Je tournai donc de ce côté, et maniant dans ma poche quelques pièces d’argent, je m’avançai vers le seuil.
Une impression d’horreur m’arrêta court. Cette servante était une vieille femme maigre et ridée, le dos toujours courbé comme les gens attachés à la glèbe. Je la trouvai remuant sa vaisselle sur un évier malpropre. Une chandelle dégoûtante tremblotait dans sa main ; autour d’elle des casseroles, des plats, des restes du dîner que visitait un chien errant, entré comme moi avec honte. Une odeur chaude et nauséabonde sortait des murs humides ; lorsque la vieille m’aperçut, elle me regarda en souriant avec un air confidentiel. Elle m’avait vu me glisser le matin hors de la chambre de sa maîtresse. Je frissonnai de dégoût de moi-même et de ce que je venais chercher dans un lieu si bien assorti à l’action ignoble que je méditais. Je me sauvai de cette vieille comme de ma jalousie personnifiée, et comme si l’odeur de sa vaisselle fût sortie de mon propre cœur.
Brigitte était à la fenêtre, arrosant ses fleurs bien-aimées ; un enfant d’une de nos voisines, assis au fond de la bergère et enterré dans les coussins, se berçait à