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CHAPITRE PREMIER

J’ai à raconter maintenant ce qui advint de mon amour et le changement qui se fit en moi. Quelle raison puis-je en donner ? Aucune, sinon que je raconte, et que je puis dire : « C’est la vérité. »

Il y avait deux jours, ni plus ni moins, que j’étais l’amant de madame Pierson. Je sortais du bain à onze heures du soir, et par une nuit magnifique je traversais la promenade pour me rendre chez elle. Je me sentais un tel bien-être dans le corps et tant de contentement dans l’âme, que je sautais de joie en marchant et que je tendais les bras au ciel. Je la trouvai en haut de son escalier, accoudée sur la rampe, une bougie par terre à côté d’elle. Elle m’attendait, et, dès qu’elle m’aperçut, courut à ma rencontre. Nous fûmes bientôt dans sa chambre, et les verrous tirés sur nous.

Elle me montrait comme elle avait changé sa coiffure, qui me déplaisait, et comme elle avait passé la journée à faire prendre à ses cheveux le tour que je voulais ; comme elle avait ôté de l’alcôve un grand vilain cadre noir qui me semblait sinistre ; comme elle avait