Page:Musset - La Confession d’un enfant du siècle, 1840.djvu/147

Cette page n’a pas encore été corrigée

tout à coup à la grille. Il entra sans sonner et vint saluer madame Pierson ; il me sembla que sa physionomie, que je trouvais déjà de mauvais augure, s’assombrit quelque peu en me voyant. C’était un prêtre que j’avais vu dans le village et qui s’appelait Mercanson ; il sortait de Saint-Sulpice, et le curé de l’endroit était son parent. Il était à la fois gros et blême, chose qui m’a toujours déplu et qui en effet est déplaisante ; c’est un contresens qu’une santé maladive. En outre il avait une manière de parler lente et saccadée, qui annonçait un pédant. Sa démarche même, qui n’était ni jeune ni franche, me choquait ; quant au regard, on pouvait dire qu’il n’en avait pas. Je ne sais que penser d’un homme dont les yeux ne me disent rien. Voilà les signes sur lesquels j’avais jugé Mercanson, et qui, malheureusement, ne me trompèrent pas. Il s’assit sur un banc et commença à parler de Paris, qu’il appelait la Babylone moderne. Il en venait, connaissait tout le monde ; il allait chez madame de B***, qui était un ange ; il faisait des sermons dans son salon ; on les écoutait à genoux (le pire de la chose est que c’était vrai). Un de ses amis, qu’il y avait mené, venait d’être chassé d’un collège pour avoir séduit une fille, ce qui était bien affreux, bien triste. Il fit mille compliments à madame Pierson sur les habitudes charitables qu’elle avait contractées dans le pays ; il avait appris ses bienfaits, les soins qu’elle prenait des malades, jusqu’à veiller sur eux en personne. C’était bien beau, bien pur ; il ne manquerait pas d’en parler à Saint-Sulpice. Ne semblait-il pas dire qu’il ne manquerait pas d’en parler à Dieu ? Fatigué de cette harangue, pour n’en pas hausser les