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lui faisait du bien. Les enfants accoururent aussitôt à son lit, regardant leur mère avec de grands yeux, moitié inquiets, moitié réjouis, et s’accrochant à la robe de madame Pierson. « Je le crois bien, dit le mari qui ne bougea pas de sa place ; nous avons fait dire une messe ; et il nous en a coûté gros. » À cette parole grossière et stupide, je regardai madame Pierson ; ses yeux battus, sa pâleur, l’attitude de son corps, montraient clairement sa fatigue, et que les veilles l’épuisaient. « Ah ! mon pauvre homme, dit la malade, que Dieu te le rende ! » Je ne pouvais plus y tenir ; je me levai comme transporté de la sottise de ces brutes qui rendaient grâces de la charité d’un ange à l’avarice de leur curé ; j’étais prêt à leur reprocher leur plate ingratitude et à les traiter comme ils le méritaient. Madame Pierson souleva dans ses bras un des enfants de la fermière, et lui dit avec un sourire : « Embrasse ta mère : elle est sauvée. » Je m’arrêtai en entendant ce mot ; jamais le naïf contentement d’une âme heureuse et bienveillante ne s’est peint avec tant de franchise sur un si doux visage. Je ne retrouvai plus tout d’un coup ni sa fatigue ni sa pâleur ; elle rayonnait de toute la pureté de sa joie ; et elle aussi rendait grâces à Dieu. La malade venait de parler ; et qu’importait ce qu’elle avait dit ? Cependant, quelques instants après, madame Pierson dit aux enfants de réveiller le garçon de ferme, afin qu’il la reconduisît. Je m’avançai pour lui offrir mon escorte ; je lui dis qu’il était inutile de réveiller le garçon, puisque je revenais par le même chemin, qu’elle me ferait honneur en acceptant. Elle me demanda si je n’étais pas Octave de T***. Je lui répondis qu’oui, et qu’elle se