qu’elle passait quelquefois la nuit. Elle faisait l’office d’une sœur de charité ; il n’y en avait point d’autre qu’elle dans le pays, et un seul médecin fort ignorant. « C’est Brigitte- la-Rose, me dit-il à voix basse ; est-ce que vous ne la connaissez pas ? — Non, lui dis-je de même ; pourquoi l’appelle-t-on ainsi ? » Il me répondit qu’il n’en savait rien, sinon que c’était peut-être qu’elle avait été rosière, et que le nom lui en était resté. Cependant madame Pierson n’avait plus son voile ; je pouvais voir ses traits à découvert ; au moment où l’enfant me quitta, je levai la tête. Elle était près du lit, tenant à la main une tasse et la présentant à la fermière qui s’était éveillée. Elle me parut pâle et un peu maigre ; ses cheveux étaient d’un blond cendré. Elle n’était pas régulièrement belle ; qu’en dirai-je ? Ses grands yeux noirs étaient fixés sur ceux de la malade, et ce pauvre être près de mourir la regardait aussi. Il y avait dans ce simple échange de charité et de reconnaissance une beauté qui ne se dit pas. La pluie redoublait ; une profonde obscurité pesait sur les champs déserts que de violents coups de tonnerre éclairaient par instants. Le bruit de l’orage, le vent qui mugissait, la colère des éléments déchaînée sur le toit de chaume, donnaient, par leur contraste avec le silence religieux de la cabane, plus de sainteté encore et comme une grandeur étrange à la scène dont j’étais témoin. Je regardais ce grabat, ces vitres inondées, les bouffées de la fumée épaisse renvoyées par la tempête, l’abattement stupide du fermier, la terreur superstitieuse des enfants, toute cette furie au-dehors assiégeant une moribonde ; et lorsque au milieu de tout cela je voyais cette femme douce et pâle, allant et venant sur la pointe du pied,
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