Page:Musset - La Confession d’un enfant du siècle, 1840.djvu/106

Cette page n’a pas encore été corrigée

qu’elle choquât le sens commun, pour que je m’en fisse aussitôt le champion, au risque d’avancer les sentiments les plus blâmables.

Mon plus grand défaut était l’imitation de tout ce qui me frappait, non pas par sa beauté, mais par son étrangeté ; et ne voulant pas m’avouer imitateur, je me perdais dans l’exagération, afin de paraître original. À mon gré, rien n’était bon, ni même passable ; rien ne valait la peine de tourner la tête ; cependant, dès que je m’échauffais dans une discussion, il semblait qu’il n’y eût pas dans la langue française d’expression assez ampoulée pour louer ce que je soutenais ; mais il suffisait de se ranger à mon avis pour faire tomber toute ma chaleur.

C’était une suite naturelle de ma conduite. Dégoûté de la vie que je menais, je ne voulais pourtant pas en changer ;

Simigliante a quella’nferma
Che non puo trovar posa in su le piume,
Ma con dar volta suo dolore scherma.

Dante.

Ainsi je tourmentais mon esprit pour lui donner le change, et je tombais dans tous les travers pour sortir de moi-même.

Mais tandis que ma vanité s’occupait ainsi, mon cœur souffrait, en sorte qu’il y avait presque constamment en moi un homme qui riait et un autre qui pleurait. C’était comme un contre-coup perpétuel de ma tête à mon cœur. Mes propres railleries me faisaient quelquefois une peine extrême, et mes chagrins les plus profonds me donnaient envie d’éclater de rire.

Un homme se vantait un jour d’être inaccessible aux c