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Gamiani

Tu n’as pas oublié le supplice atroce que me fit subir ma tante pour servir à sa lubricité. Je n’eus pas plutôt compris l’horreur de sa conduite, que je m’emparai de quelques papiers qui garantissaient ma fortune. Je pris aussi des bijoux, de l’argent, et profitant d’une absence de ma digne parente, j’allai me réfugier dans le couvent des sœurs de la Rédemption. La supérieure, touchée sans doute de mon jeune âge et de mon apparente timidité, me fit l’accueil le plus propre à dissiper mes craintes et mon embarras.

Je lui racontai ce qui m’était arrivé, je lui demandai un asile et sa protection. Elle me prit dans ses bras, me serra affectueusement et m’appela sa fille. Après, elle m’entretint de la vie tranquille et douce du couvent : elle réchauffa encore ma haine pour les hommes et termina par une exhortation pieuse, qui me parut le langage d’une âme divine. Pour rendre moins sensible la transition subite de la vie du monde à la vie du cloître, il fut