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feu du plaisir, toutes deux semblaient étinceler à mes yeux. Ces furies délirantes à force de rage et de passion poétisaient en quelque sorte l’excès de leur débauche ; elles parlaient à la fois aux sens et à l’imagination.

J’avais beau me raisonner, condamner en moi ces absurdes folies, je fus bientôt ému, échauffé, possédé de désirs. Dans l’impossibilité où j’étais d’aller me mêler à ces deux femmes nues, je ressemblais à la bête fauve que tourmente le rut et qui des yeux dévore sa femelle à travers les barreaux de sa cage. Je restai stupidement immobile, la tête clouée près de l’ouverture d’où j’aspirais, pour ainsi dire, ma torture, vraie torture de damné, terrible, insupportable, qui frappe d’abord la tête, se mêle ensuite au sang, s’infiltre dans les os, jusqu’à la moelle qu’elle brûle. Je souffrais trop à force de sentir. Il me semblait que mes nerfs tendus, irrités, finissaient par se rompre. Mes mains crispées s’accrochaient au parquet. Je ne respirais plus, j’écumais. Ma tête se perdit. Je devins fou, furieux, et m’em-