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maladie ; aussi dès l’âge de treize ans, étais-je un homme fait. Les aiguillons de la chair se faisaient déjà vivement sentir.

Destiné à l’état ecclésiastique, élevé dans toute la rigueur des principes de chasteté, je combattais de toutes mes forces les premiers désirs de mes sens. Ma chair s’éveillait, s’irritait, puissante, impérieuse, et je la macérais impitoyablement.

Je me condamnais au jeûne le plus rigoureux. La nuit, dans mon sommeil, la nature obtenait un soulagement, et je m’en effrayais comme d’un désordre dont j’étais coupable. Je redoublais d’abstinence et d’attention à écarter toute pensée funeste. Cette opposition, ce combat intérieur finirent par me rendre lourd et comme hébété. Ma continence forcée porta dans tous mes sens une sensibilité ou plutôt une irritation que je n’avais jamais sentie.

J’avais souvent le vertige. Il me semblait que des objets tournaient et moi avec eux. Si une jeune femme s’offrait par hasard à ma vue,