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veuve de bonne heure. J’avais atteint ma quinzième année et je ne savais de ce monde que les terreurs de la religion.

Toute en Dieu, je passais ma vie à supplier le ciel de m’éviter les peines de l’enfer.

Ma tante m’inspirait ces craintes, sans les tempérer jamais par la moindre preuve de tendresse. Je n’avais d’autres douceurs que mon sommeil. Mes jours passaient tristes comme les nuits d’un condamné.

Parfois seulement ma tante m’appelait le matin dans son lit. Alors, ses regards étaient doux, ses paroles flatteuses. Elle m’attirait sur son sein, sur ses cuisses et m’étreignait tout-à-coup dans des embrassements convulsifs : je la voyais se tordre, renverser sa tête et se pâmer avec un rire de folle.

Épouvantée, je la contemplais : immobile, je la croyais atteinte d’épilepsie…

À la suite d’un long entretien qu’elle eut avec un moine franciscain, je fus appelée et le révérend père me tint ce discours :