Page:Musset - Gamiani ou Deux nuits d'excès.djvu/16

Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 12 —

amours n’est pas un échange de tendresses vénales, mais une suite rapide de violences, de querelles et de mauvais tours.

La première fois que je le vis, — c’était je crois le lendemain du jour où nous avions été à la Chaumière, et j’étais d’assez mauvaise humeur, — il me fit une impression que j’aurais peine à rendre. On me demanda. Je suivis Fanny dans le petit salon. Il y avait un homme assis près de la cheminée et qui me tournait le dos. Il ne prit pas la peine de me regarder. Ses cheveux étaient blonds. Il était mince et me parut d’une taille ordinaire.

Je m’avançai un peu ; ses mains étaient blanches et maigres ; il battait la mesure avec ses doigts sur son genou. Je me plaçai en face de lui : il leva les yeux sur moi. C’était un spectre plutôt qu’un homme. Je contemplai cette ruine prématurée, car il paraissait à peine avoir trente ans, malgré les rides qui sillonnaient son visage.

— D’où viens-tu donc ? me dit-il, comme s’il sortait d’un rêve. Je ne te connais pas !

Je ne répondis rien. Il se mit à jurer.

— Répondras-tu, quand je te fais l’honneur de te parler ?