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ressentir. À la première image de l’amour me fit aimer l’objet qui me l’avait offerte. Extrême en tout, je fus aussi ardente à vivre du cœur que je l’avais été à vivre des sens. Edward avait une de ces âmes fortes qui entraînent les autres dans leur sphère. Je m’élevai à sa hauteur. Mon amour s’exalta : d’enthousiaste il devint sublime. La seule pensée du plaisir grossier me révoltait. Si l’on m’eût forcée, je serais morte de rage. Cette barrière volontaire, irritant l’amour des deux côtés, il en devint plus ardent par la contrainte. Edward succombe le premier. Fatigué d’un platonisme dont il ne pouvait deviner la cause il n’eut plus assez de force pour combattre les sens. Il me surprit un jour endormie et me posséda… je m’éveillai au milieu des plus chaudes étreintes : éperdue, je mêlai mes transports aux transports que je causais ; je fus trois fois au ciel. Edward fut trois fois dieu ; mais quand il fut tombé, je le pris en horreur, ce n’était plus pour moi qu’un homme de chair et d’os : c’était un moine !

Je m’échappai subitement de ses bras avec