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annonça, un matin, qu’il lui avait trouvé un emploi d’expéditionnaire dans les bureaux de M. Febvrel, qui venait d’obtenir par soumission cachetée l’entreprise du Chauffage militaire. Le pauvre garçon n’osa sourciller. Il se laissa mettre au pied le boulet de la bureaucratie. On n’exigeait pas de lui une grande exactitude, mais il n’y avait point de jour où il ne sentît le poids de ses chaînes, excepté pourtant celui des émoluments. Poussé par le désir effréné de reconquérir sa liberté, il se rendit chez l’éditeur dévoué de la faction romantique. Urbain Canel examina le manuscrit des Contes d’Espagne, compta les pages et déclara qu’il manquait cinq cents vers pour composer un volume in-octavo, seul format usité de la jeune littérature.

« Cinq cents vers ! s’écria le poète, s’il ne faut que cela pour redevenir libre, je vous les donnerai bientôt. »

On était alors au temps des vacances. Alfred obtint de ses patrons un congé de trois semaines. Il partit le 27 août 1829 pour le Mans, où demeurait alors son oncle Desherbiers. Il en revint le 19 septembre[1], et, le soir même, il me récita tout le poème de Mardoche, qui contenait près de six cents vers, mais dont il fallait supprimer quelques strophes un peu hardies. Urbain Canel, charmé surtout de la longueur du

  1. Ces dates précises me sont fournies par des agendas.