l’autre, et grandes amies. Il leur parlait admirablement modes, toilette, chiffons, et n’était pas le moins enfant des trois. À l’une il vantait les grâces et la beauté de l’autre, et réciproquement. Ces confidences s’échangeaient le lendemain entre les deux jeunes filles un peu scandalisées de ne pouvoir pas découvrir laquelle il aimait le mieux. Ces amourettes de salon durèrent assez longtemps pour se dénouer et se renouer d’un hiver à l’autre ; elles finirent par une petite aventure dont quelques personnes doivent se souvenir encore. Gustave Planche, qui savait placer avec discernement ses antipathies, détestait déjà Alfred de Musset, sans raison, mais instinctivement. Planche ne dansait point ; il s’avisa de dire, un soir, que, du coin où il se tenait assis, il avait vu le valseur infatigable déposer un baiser furtif sur l’épaule d’une de ses valseuses. On en chuchota aussitôt. La jeune fille reçut l’ordre de refuser les invitations de son danseur habituel. Aux regards mélancoliques de la victime, Alfred comprit qu’elle obéissait à l’autorité supérieure, et, comme il n’avait rien à se reprocher, il demanda des explications avec tant d’insistance qu’on ne put pas les lui refuser. On remonta jusqu’à la source du méchant propos. Planche essaya de nier ; mais, au pied du mur, il fut obligé d’avouer qu’il l’avait tenu. L’indignation du père se tourna contre lui. À la sortie du bal, ce père irrité guetta le calomniateur et lui donna de sa canne sur le dos. Planche
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