lesquelles on discutait autour de lui, qu’il s’était fait une poétique indépendante, et qu’il ne devait plus ni accepter de conseil, ni suivre les traces de personne le jour où, après avoir beaucoup réfléchi et beaucoup entendu les vers des autres, il poussait enfin le cri du Corrège : « Et moi aussi je suis un poète ! »
Tandis que sa muse l’attirait encore sous les arbres d’Auteuil, l’âge de puberté était arrivé. À ses débuts dans le monde, l’hiver précédent, les femmes n’avaient fait aucune attention à ce petit bonhomme, qui répétait en conscience les pas que son maître à danser venait de lui apprendre ; mais, en quelques mois, sa taille se développa ; il perdit son air enfantin et son caractère timide. Son visage prit tout à coup une expression singulière d’assurance et de fierté ; son regard devint si ferme, si plein d’interrogation et de curiosité, qu’on avait de la peine à le soutenir. La première femme qui s’aperçut de ces changements était une personne de beaucoup d’esprit, excellente musicienne, railleuse, coquette et atteinte d’une maladie de poitrine incurable. Pour aller la voir à la campagne, où elle l’engageait sans cesse à venir, par des billets d’un laconisme prudent, Alfred manquait aux rendez-vous de sa muse et traversait la plaine aride de Saint-Denis. Comme il voyait bien que cette femme ne le regardait plus des mêmes yeux qu’autrefois, et que pourtant elle affectait de le vouloir toujours traiter en enfant, ce manège l’étonna. Il lui