voulions passer le temps des vacances, nous insistions pour retourner chez l’oncle de Musset. On nous y ramena, en effet, en 1824 ; mais, cette fois, un accident auquel tout autre enfant que mon frère n’aurait pas fait grande attention, vint mêler une impression terrible aux délices du château de Cogners. Alfred brûlait du désir de faire sa première partie de chasse. On lui trouva un petit fusil à un coup, et, sous la conduite du garde, on lui permit de tuer des lapins dans la garenne. Un matin, il marchait derrière moi, portant sous le bras son fusil qu’on venait de charger et dont le canon était dirigé sur mes talons. Ce fusil ne valait rien ; la batterie en était usée. Le coup part sans qu’on sache pourquoi, et la charge de plomb fait un trou dans la terre, à quelques lignes de mon pied droit. Je me retourne au bruit, et, à travers un nuage de fumée, je vois mon frère chanceler et s’asseoir. Il eut une attaque de nerfs suivie d’un accès de fièvre. Son indisposition ne dura pas ; mais son goût pour la chasse se trouva fort diminué, le séjour de Cogners terni dans son esprit, et le chiffre même de 1824 remplacé à jamais par cette périphrase : « l’année où j’ai failli tuer mon frère ».
Alfred était alors dans sa quatorzième année, et si avancé qu’il aurait pu achever ses études à quinze ans, si on le lui eût fait doubler la classe de philosophie. Le duc de Chartres, qu’il eut pour condisciple pendant deux ans, avait reçu du duc d’Orléans, son