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J’ai su plus tard sa mort tragique. Son père avait eu la malheureuse idée de le mettre, à quinze ans, dans l’institution Liotard, où l’on s’occupait plus des sentiments religieux des écoliers que de leur développement intellectuel. Onésime s’imagina qu’on le destinait à l’état ecclésiastique pour lequel il éprouvait une répugnance invincible. Il fit part de ses craintes à notre père et le supplia d’intercéder auprès du marquis pour obtenir une explication. De son côté le jeune homme écrivit lettre sur lettre ; il ne reçut que des réponses sévères et dans lesquelles ne se trouvait point l’éclaircissement qu’il souhaitait. Du fond de sa province, le père ne comprenait point le danger de ces remontrances vagues ; il ne voyait dans les prières et les questions de son fils qu’un manque de soumission. Onésime ne doutant plus qu’on ne voulût faire de lui un prêtre, écrivit une dernière lettre de désespoir. Le marquis en fut touché ; mais, pour le bon exemple, il crut devoir déployer encore une fois, au moins en paroles, toute la rigueur de la puissance paternelle. Sa réponse, plus sévère que les précédentes, exigeait une soumission aveugle et ne donnait aucune explication. À peine eut-il jeté cette fatale réponse à la poste, que le père, comme s’il eût deviné le malheur qui en devait résulter, quitta son château de Cogners et partit à la hâte pour Paris, décidé à retirer son fils de l’institution Liotard. Il arriva le soir même du jour où le pauvre Onésime venait de se tuer.