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Nevers, etc. Nous cherchions les prouesses, les combats, les grands coups de lance et d’épieu ; quant aux scènes d’amour, nous n’en faisions point de cas, et nous tournions la page quand les paladins se mettaient à roucouler. Bientôt nos imaginations se remplirent d’aventures. Nous estimions bien au-dessus des autres les héros qui devaient leur succès à leur seule vaillance. Pour cette raison, Renaud de Montauban eut la palme sur tous ses rivaux et demeura le type du chevalier accompli. Tous ces personnages fabuleux, pesés dans nos justes balances, reçurent une place plus ou moins élevée, selon leur mérite, et chacun d’eux fut rangé dans une catégorie. Renaud seul était hors ligne ; depuis Charlemagne jusqu’à Maugis, jusqu’à Huon de Bordeaux, personne ne fut oublié. S’il eût assisté à nos délibérations, le grand Don Quichotte aurait approuvé notre consciencieuse impartialité, et je n’hésite pas à le dire : sa haute sagesse eût confirmé la plupart de nos jugements.

Ce travail de classement une fois terminé, comme nous nous sentions l’esprit moins encombré, les représentations commencèrent. Léon Gobert y joua fort bien son rôle. Le personnage qu’il faisait le mieux était celui de Roland. Au moment du champ clos il frappait avec une véritable fureur. Alfred étant le plus faible avait, par privilège, cette lance enchantée qui désarçonnait par magie les preux les plus intrépides et les plus robustes. Quiconque en était tou-