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Ariane, ma sœur ! de quel amour blessée,
Vous mourûtes aux bords où vous fûtes laissée.


Quand Rachel exhalait cette plainte singulière et imprévue, Alfred prenait sa tête dans ses deux mains et pâlissait d’émotion.

Je ne dirai pas que le naturel était la qualité qui le charmait le plus ; il serait plus exact de dire que, pour lui, cette qualité était indispensable, et que si elle n’empêchait pas qu’un ouvrage où elle se trouvait ne pût être médiocre, et même mauvais, en revanche il n’y avait point de beauté qui en pût racheter l’absence. Pour cette raison, les lettres de madame de Sévigné ne lui plaisaient point ; il y sentait, par moments, l’apprêt, l’affectation, l’arrière-pensée que ces lettres seraient communiquées à d’autres personnes que celles à qui elles étaient adressées.

L’abus des adjectifs, qu’il a si comiquement frondé dans ses lettres de la Ferté-sous-Jouarre, était encore une de ses antipathies. Un jour, en 1833, un beau roman, dont tout le monde parlait et qui venait de révéler un talent nouveau, lui passa par les mains avant qu’il eût fait la connaissance de l’auteur. Il goûta ce roman, mais non sans y trouver des sujets de critique. Frappé de l’abus des adjectifs, il prit un crayon, et, tout en lisant, il effaça des épithètes inutiles, des membres de phrases parasites et d’autres